Episode 17

Sofia et son psychiatre: une équipe vainqueure contre l’anorexie

Sofia Mellé, 21 ans, mène son combat contre l’anorexie depuis l’adolescence. Vivant entre Genève et Milan, elle a décidé de mettre en pause ses études pour se soigner. Le Dr Louis-Marie Petit est psychiatre spécialisé dans les thérapies cognitivo-comportementales et les troubles du comportement alimentaire (TCA) à la Clinique Belmont. Avec lui, Sofia Mellé est parvenue à regagner l’envie de vivre et à se défaire de son trouble. Un parcours difficile vers la guérison mais loin d’être impossible: Sofia en témoigne avec grande lucidité et grande sincérité aux côtés de son médecin.

Modération de Vicky De Paola

08.05.2024

Les premiers signes de la maladie sont apparus dès l’âge de 15 ans, se souvient aujourd’hui Sofia Mellé: « La plus grande difficulté, c’était la puberté. J’étais un peu en retard et je ne voulais pas grandir et devenir une femme. Cela m’a conduite à me restreindre de plus en plus au niveau alimentaire, comme pour me cacher et stopper ma croissance. L’objectif initial était de perdre du poids, mais je me suis fait rattraper par la maladie. »

A ce sujet, le Dr Louis-Marie Petit, psychiatre spécialisé dans les TCA à la Clinique Belmont de Genève, rappelle que la limite est parfois difficile à percevoir entre le simple régime et l’anorexie: « Il y a énormément d’injonctions autour du contrôle du poids, explique-t-il, il suffit de voir les magazines qui nous sont proposés. C’est à partir du moment où des obsessions apparaissent que l’on bascule dans la maladie. » Au point d’altérer radicalement les relations et les performances scolaires, selon le spécialiste, mais aussi tous les autres aspects de la vie de la personne qui en souffre.

L’hospitalisation comme seul recours

Après trois ans de soins en ambulatoire, la situation est devenue trop critique pour Sofia. A 19 ans, elle rechute et ne pèse plus que 41 kilos pour 1m74. Son équipe médicale lui pose alors un ultimatum: « Mes soignants refusaient de continuer à me soigner si je ne me faisais pas hospitaliser. »

C’est ainsi qu’elle rencontre le Dr Louis-Marie Petit. A son arrivée en 2023, raconte-t-il, son médecin a dû s’armer de patience pour gagner sa confiance: « Au début, il y a toujours beaucoup de méfiance de la part de nos patientes. Une part d’elles veut changer et l’autre, plus ambivalente, a peur du changement (…). Elles croient faire équipe avec la maladie contre le reste du monde, que ce soit la famille, les amis, les soignants. Notre travail avec Sofia a donc consisté à changer la répartition des équipes pour qu’elle et les soignants s’allient contre la maladie. »

Une vision que partage sa patiente: « On voit tous les soins comme une menace, une réelle menace. Au début, je voyais les soignants comme des policiers. Mais à mesure que j’étais félicitée pour les actes que je posais, j’ai commencé à faire davantage confiance au Dr Petit. Et je pense que, de son côté, il a pu aussi mieux répondre à mes attentes et savoir quoi me dire. Maintenant, nous entretenons une relation de confiance et je me sens de tout lui dire, contrairement au début. Instaurer cette confiance était vraiment nécessaire pour pouvoir aller de l’avant. »

« Les soins que j’ai reçus m’ont sauvé la vie »

Aujourd’hui, Sofia est sortie d’hospitalisation et continue d’être suivie en ambulatoire. Elle se félicite de ses progrès: « Je suis extrêmement contente du parcours que j’ai réalisé. Je suis très reconnaissante pour les soins que j’ai reçus et qui, honnêtement, m’ont sauvé la vie. Ils m’ont redonné l’envie de vivre et de prendre soin de moi, d’entamer de nouveaux projets. Je me sens assez confiante pour la suite. J’ai encore des choses sur lesquelles travailler, mais j’ai beaucoup d’acquis. »

Le Dr Louis-Marie Petit se réjouit également de l’évolution de sa patiente dans un message d’espoir adressé à sa patiente: « Je trouve que c’est plutôt bien parti. Je trouve que vous avez réussi à regagner confiance et à vous laisser accompagner par l’équipe soignante. Nous avions à charge de vous emmener dans la bonne direction et de vous rassurer. Et le bilan avant-après éclaire quelque chose d’intéressant: l’utilité de lâcher prise par rapport à la maladie pour permettre à l’équipe de soins et à votre propre motivation de prendre le contrôle sur les troubles. »

Un accès aux soins difficile

L’issue heureuse du parcours de Sofia Mellé ne doit pourtant pas faire oublier que les conditions d’accès aux soins en matière de TCA ne sont pas égalitaires en Suisse, comme l’exprime le Dr Louis-Marie Petit: « Il y a un retard énorme pour les patients se trouvant hors des centres urbain, observe-t-il. A Genève, on accueille des patients des toute la Suisse romande. Malheureusement, certains d’entre eux font jusqu’à trois heures de route pour venir à la Clinique Belmont se soigner. Nous avons besoin d’une politique de soins beaucoup plus ambitieuse pour traiter les troubles du comportements alimentaires. »

En Suisse, lorsque l’on évoque les TCA dont l’anorexie fait partie, il faut savoir que plus de 300'000 personnes sont concernées et que 10% d’entre elles connaîtront une issue fatale.

Dr Louis-Marie Petit et Sofia Mellé

Dr Louis-Marie Petit et Sofia Mellé

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